Rien ne se déroule exactement comme on le programme, comme on le rêve, comme on le fantasme. On peut avoir une ligne générale d’idées, mais rien ne sert de faire de grands projets. Je n’aime pas les « et si… », je préfère les « in sha Allah ». Car je reste persuadée du bien qui se trouve derrière les portes.
Ce bébé est arrivé, une nuit de Janvier, il s’est installé. Jamais de toutes mes grossesses, aucune ne m’avait semblé si longue. Et pour cause… Ce bébé, nous l’avons désiré, voulu, el hamdoulilleh, et j’étais tellement à l’écoute des moindres signes de mon corps, que j’ai senti le premier jour de son installation au creux de moi. Alors, le décompte des jours est encore bien plus longs dans ces moments…
J’avais calculé leur date « théorique » d’accouchement aux alentours du 27 Octobre. Mais, je m’étais fiée à mes grossesses précédentes, et je m’étais dit que je serai maman pour la quatrième fois vers le 20 Octobre, au plus tard. Tant et si bien persuadée, que j’en occultais presque qu’on m’avait prédit le 25 Octobre, suivant leurs échographies.
Je n’ai jamais été une grande fan de suivi de grossesse… encore moins des échos, qui sont pour moi des moments de stress intense… Car, même si je sens que tout va bien, j’ai la hantise que l’on m’annonce un truc horrible. Mais cette fois, j’ai fait les 3 échos. Parcours de grossesse particuliers… J’avais pris contact par téléphone avec une sage-femme pour un accouchement à domicile. Elle habitait à plus d’une heure de route de chez moi, donc les premiers contacts se sont faits par téléphone. Au téléphone, ça se passait bien. La sage-femme ne demandait pas de suivi particulier, pas de prise de sang, juste les 3 échos. Je m’y suis pliée, la trouvant pas trop pénible du côté suivi médical. Mais notre première rencontre (qui a eu lieu vers le 5e mois de grossesse) a été une douche froide. Rien ne m’attirait chez elle, et je l’ai trouvé très froide. Ça n’allait pas. Je ne pouvais pas continuer avec elle, d’autant plus qu’elle n’était pas du tout présente au cours de ma grossesse.
El Hamdoulilleh, au cours de mon 7e mois de grossesse, après plusieurs jours de recherche intense, et ayant pratiquement pris la décision de me passer de sage-femme pour cette naissance, Allah a mis sur mon chemin, « une perle ». Elle me rappelait Carole, qui m’avait accompagné lors de ma troisième grossesse et naissance, par sa douceur et son ton rassurant. Elle accepta de suivre la fin de ma grossesse, et d’accompagner cette troisième naissance à la maison.
Le 9e mois est déjà entamé, et les contractions sont présentes très tôt. Persuadée de mon pressentiment d’accoucher plus tôt que prévu, l’euphorie me gagne assez rapidement.
Mais ce neuvième mois a été rempli de stress également. Un accident de voiture qui m’a perturbé même si personne n’a été blessé. J’ai soudainement eu des angoisses, me disant qu’il valait mieux que j’accouche au plus tôt, que bébé serait sûrement plus en sécurité en dehors. Des nuits d’insomnies et de cauchemars s’en sont suivies. Puis, une fois apaisée, est arrivée l’attente.
De nature partiellement impatiente, en temps normal, ce fut décuplé ces dernières semaines. Je me couchais chaque soir, en me disant « est-ce que ça viendra cette nuit ? » Le terme du 20 que je m’étais fixé se rapprochait. Et moi qui pensais que j’aurai déjà accouché.
Les contractions étaient déjà présentes. Pas très fortes, mais bien là. Je sentais que mon ventre était bien plus bas. Je gardais encore l’espoir. Le 20 Octobre passe. Le 22 passe. Et l’angoisse monte. J’envoie des textos à ma sage-femme lui racontant mon angoisse. J’ai une seule terreur : le dépassement de terme qui pourrait mener au déclenchement. Elle tente de m’apaiser. Elle est même venue me faire de l’acupuncture, me donner des petits trucs pour faire avancer doucement le travail.
Mais au fond de moi, je n’y croyais pas. J’ai toujours été persuadée que ces « aides » peuvent aider au moment du travail, mais pas avant. Pas à déclencher naturellement. Et pourtant, je continuais de m’acharner sur ces déclencheurs « naturels ».
Le 25 Octobre, terme théorique arrive. Je suis perdue et dévastée. Mais concède d’aller faire une visite le lendemain à la maternité. Ma sage-femme me suivra encore 6 jours après le dépassement de terme à deux conditions : que j’aille faire des examens tous les 2 jours afin de s’assurer que bébé aille bien… et que bébé aille bien, bien sûr.
Je m’y plie. Souvent en larmes. Et j’y vais. Bébé bouge énormément. Il gigote même. Le monito indique que son coeur va bien. Il y a du liquide. La maternité me fait revenir 2 jours plus tard. Je pense que j’aurai accouché avant… Mais 2 jours après, je suis à nouveau couché sur leur table avec un monito, un bébé qui bouge mais qui ne veut a priori pas sortir. J’ai des contractions toutes les nuits, mais « bizarrement », à la maternité, je n’ai rien. Je demande un décollement de membranes si mon col est favorable, en connaissance des risques. La sage-femme de la maternité m’informe que mon col est encore très tonique… le décollement n’est même pas douloureux, signe que ce ne sera pas efficace. Bébé bouge toujours mais ne donne pas signe de pouvoir sortir dans les heures à venir. Il me reste encore 2 jours et après, je dois prendre une décision : soit déclencher artificiellement, soit encore attendre, mais ma sage-femme ne me suivra plus, et la maternité n’est pas favorable non plus. Autant dire que s’il se passe qqchose, je serais toute seule, et je me ferai engueuler en prime.
Je ne veux pas penser aux 48h qui restent, et je suis persuadée que bébé sortira avant cette date fatidique du Lundi 31 Octobre.
Et pourtant, arrive la nuit du 30 au 31. Une succession de contractions pendant plus de 3h qui me donnent l’espoir que j’accoucherai encore chez moi. J’échange quelques messages avec ma sage-femme. Elle a aussi bon espoir. Mais, j’éprouve un doute… 3h de contractions. Qui m’empêchent de dormir. Mais qui n’augmentent pas en intensité. Je ne sens pas mon bébé qui descend. Je ne comprends pas. Epuisée, je tombe littéralement de fatigue sur le canapé vers 6h du matin, et me réveille en sursaut à 7h. Et calme plat. Plus de contractions. J’ai rendez-vous dans la matinée à la clinique pour le déclenchement… les vannes à larmes sont ouvertes.
Je tente une dernière chose : un bain. C’est à double tranchant… soit les contractions reprendront de plus belles, soit c’est peine perdu. Dans mon bain, je ressens une contraction assez violente, mais avec une douleur que je ne reconnaissais pas : quelque chose tirait à l’intérieur. Ça m’a fait mal, mais surtout peur. Je suis sortie du bain, et j’ai dit à mon mari que j’étais prête à aller à la maternité. Je ressentais que quelque chose n’allait pas. Ce n’était pas normal.
En prenant mon téléphone, je vois que ma sage-femme m’a appelé et m’a laissé un long message sur mon répondeur, pendant que j’étais dans mon bain. Elle me disait que peut-être que ce bébé VOULAIT naître à l’hôpital. Qu’il y avait peut-être quelque chose qui faisait qu’il DEVAIT y naître. Et c’est le même sentiment que je ressentais.
Nous sommes donc allés à la maternité. Les sage-femmes m’ont demandé quel était mon choix quant à faire ou non le déclenchement. Je leur ai répondu que si mon col avait bougé et s’était ouvert au cours de la nuit avec les contractions, je rentrais chez moi et appelais ma sage-femme ; mais que si, au contraire, ça n’avait pas bougé, je restais ici et j’allais faire le déclenchement. Verdict : je restais à la maternité.
Que raconter ensuite ? Rien de bien extraordinaire. J’ai eu une première injection d’ocytocine de synthèse sans aucun effet pendant plus d’une heure… Elles ont augmenté les doses, en essayant de ne pas y aller trop fort, sachant que je refusais catégoriquement la péridurale. Les contractions ont commencé à se faire sentir. Et bizarrement je me suis sentie soulagée. J’avais le ballon pour soulager un peu. Je m’asseyais dessus et ondulais du bassin. Mais ce n’était pas vraiment confortable, puisque j’avais le monitoring en permanence et la perfusion… J’avais l’impression d’être une marionnette accrochée. C’était bizarre.
Le personnel était vraiment super. Elles ne m’ont jamais parlé de la péridurale et ont toujours été encourageantes. Mais cette naissance était vraiment particulière. J’avais peur. Terriblement peur. Je me revoyais, 10 ans en arrière, à la naissance de mon aîné, sans pouvoir me mouvoir comme je le voulais. Même si les conditions autour était mieux, et que mon mari était avec moi…
Après 6h de contractions qui allaient crescendo, je sentais qu’arriver la fin, et là, la panique fut encore plus intense. La soif m’asséchait la gorge, je demandais à boire à mon mari qui cherchait l’approbation des sage-femmes. Mais ici, j’avais le droit de boire. Pas comme il y a 10 ans. Je savais consciemment que la soif indiquait la fin du travail, que j’allais voir mon bébé dans quelques minutes. Je le savais pour l’avoir vécu 3 fois auparavant. Mais j’étais terrorisée. Ma position n’allait pas. Je m’étais mis en tête que ma position n’allait pas, que je ne pourrais pas accoucher ainsi, que j’allais souffrir le martyr (je rigole maintenant, mais je souffrais déjà le martyr…). J’ai hurlé plusieurs fois de vouloir changer de position. Mais je ne pouvais pas : le coeur de mon bébé ralentissait de manière très significative à chaque fois que je changeais de position. J’étais contrainte d’accoucher semi-assise, pour le seul bien de mon bébé. Mais je ne voulais pas. J’avais peur. Je crois même avoir pleuré. Puis, j’ai eu le déclic… Le déclic de me dire que je n’avais pas le choix. Que j’ai toujours pensé qu’on a toujours le choix… mais que si je n’aide pas mon bébé, MAINTENANT, à sortir, ça pourrait mal finir. Alors, j’ai hurlé à la sage-femme que, puisque je ne peux pas me mettre comme je veux, au moins je veux attraper moi-même mon bébé. Ce qu’elle a approuvé. J’ai arraché littéralement le monitoring, et je me suis penchée en avant pendant la contraction, et j’ai poussé.
Mon bébé est sorti d’un coup, il a vraiment glissé. Je n’ai pas pu l’attraper tellement il est sorti rapidement. La sage-femme a pu l’attraper à temps. Mon bébé avait trois tours de cordon autour du cou et un tour autour de l’épaule. Et là, tout s’est expliqué.
Ce n’est pas qu’il voulait rester au chaud… C’est juste qu’il ne pouvait pas sortir bien qu’il l’aurait souhaité, au vu des contractions tout le long du mois.
Mohammed est donc né le lundi 31 Octobre à l’heure du Maghreb exactement (17h40).
Renaissance pour moi… pas totale réconciliation avec les hôpitaux, mais une preuve évidente de ma part que je sais composer avec les hôpitaux. Ils sont utiles pour les cas difficiles mais restent anxiogènes pour certaines mamans dans des circonstances normales.
Je ne suis pas triste de cette naissance, bizarrement. Je n’ai pas fait de baby-blues. Puis j’ai pu sortir dès le lendemain matin. Mais depuis, j’ai un peu de mal à lire les récits de naissance à la maison (même les miens…), il va me falloir un certains temps, pour m’y faire, je crois.
La suite de la naissance a été la plus terrible dans cette aventure… je n’ai pas le coeur à la raconter. Aujourd’hui, j’ai mon quatrième amour tout contre mon coeur H24 et c’est le plus important pour moi…