Renaissance particulière

Rien ne se déroule exactement comme on le programme, comme on le rêve, comme on le fantasme. On peut avoir une ligne générale d’idées, mais rien ne sert de faire de grands projets. Je n’aime pas les « et si… », je préfère les « in sha Allah ». Car je reste persuadée du bien qui se trouve derrière les portes.

Ce bébé est arrivé, une nuit de Janvier, il s’est installé. Jamais de toutes mes grossesses, aucune ne m’avait semblé si longue. Et pour cause… Ce bébé, nous l’avons désiré, voulu, el hamdoulilleh, et j’étais tellement à l’écoute des moindres signes de mon corps, que j’ai senti le premier jour de son installation au creux de moi. Alors, le décompte des jours est encore bien plus longs dans ces moments…

J’avais calculé leur date « théorique » d’accouchement aux alentours du 27 Octobre. Mais, je m’étais fiée à mes grossesses précédentes, et je m’étais dit que je serai maman pour la quatrième fois vers le 20 Octobre, au plus tard. Tant et si bien persuadée, que j’en occultais presque qu’on m’avait prédit le 25 Octobre, suivant leurs échographies.

Je n’ai jamais été une grande fan de suivi de grossesse… encore moins des échos, qui sont pour moi des moments de stress intense… Car, même si je sens que tout va bien, j’ai la hantise que l’on m’annonce un truc horrible. Mais cette fois, j’ai fait les 3 échos. Parcours de grossesse particuliers… J’avais pris contact par téléphone avec une sage-femme pour un accouchement à domicile. Elle habitait à plus d’une heure de route de chez moi, donc les premiers contacts se sont faits par téléphone. Au téléphone, ça se passait bien. La sage-femme ne demandait pas de suivi particulier, pas de prise de sang, juste les 3 échos. Je m’y suis pliée, la trouvant pas trop pénible du côté suivi médical. Mais notre première rencontre (qui a eu lieu vers le 5e mois de grossesse) a été une douche froide. Rien ne m’attirait chez elle, et je l’ai trouvé très froide. Ça n’allait pas. Je ne pouvais pas continuer avec elle, d’autant plus qu’elle n’était pas du tout présente au cours de ma grossesse.

El Hamdoulilleh, au cours de mon 7e mois de grossesse, après plusieurs jours de recherche intense, et ayant pratiquement pris la décision de me passer de sage-femme pour cette naissance, Allah a mis sur mon chemin, « une perle ». Elle me rappelait Carole, qui m’avait accompagné lors de ma troisième grossesse et naissance, par sa douceur et son ton rassurant. Elle accepta de suivre la fin de ma grossesse, et d’accompagner cette troisième naissance à la maison.

Le 9e mois est déjà entamé, et les contractions sont présentes très tôt. Persuadée de mon pressentiment d’accoucher plus tôt que prévu, l’euphorie me gagne assez rapidement.

Mais ce neuvième mois a été rempli de stress également. Un accident de voiture qui m’a perturbé même si personne n’a été blessé. J’ai soudainement eu des angoisses, me disant qu’il valait mieux que j’accouche au plus tôt, que bébé serait sûrement plus en sécurité en dehors. Des nuits d’insomnies et de cauchemars s’en sont suivies. Puis, une fois apaisée, est arrivée l’attente.

De nature partiellement impatiente, en temps normal, ce fut décuplé ces dernières semaines. Je me couchais chaque soir, en me disant « est-ce que ça viendra cette nuit ? » Le terme du 20 que je m’étais fixé se rapprochait. Et moi qui pensais que j’aurai déjà accouché.

Les contractions étaient déjà présentes. Pas très fortes, mais bien là. Je sentais que mon ventre était bien plus bas. Je gardais encore l’espoir. Le 20 Octobre passe. Le 22 passe. Et l’angoisse monte. J’envoie des textos à ma sage-femme lui racontant mon angoisse. J’ai une seule terreur : le dépassement de terme qui pourrait mener au déclenchement. Elle tente de m’apaiser. Elle est même venue me faire de l’acupuncture, me donner des petits trucs pour faire avancer doucement le travail.

Mais au fond de moi, je n’y croyais pas. J’ai toujours été persuadée que ces « aides » peuvent aider au moment du travail, mais pas avant. Pas à déclencher naturellement. Et pourtant, je continuais de m’acharner sur ces déclencheurs « naturels ».

Le 25 Octobre, terme théorique arrive. Je suis perdue et dévastée. Mais concède d’aller faire une visite le lendemain à la maternité. Ma sage-femme me suivra encore 6 jours après le dépassement de terme à deux conditions : que j’aille faire des examens tous les 2 jours afin de s’assurer que bébé aille bien… et que bébé aille bien, bien sûr.

Je m’y plie. Souvent en larmes. Et j’y vais. Bébé bouge énormément. Il gigote même. Le monito indique que son coeur va bien. Il y a du liquide. La maternité me fait revenir 2 jours plus tard. Je pense que j’aurai accouché avant… Mais 2 jours après, je suis à nouveau couché sur leur table avec un monito, un bébé qui bouge mais qui ne veut a priori pas sortir. J’ai des contractions toutes les nuits, mais « bizarrement », à la maternité, je n’ai rien. Je demande un décollement de membranes si mon col est favorable, en connaissance des risques. La sage-femme de la maternité m’informe que mon col est encore très tonique… le décollement n’est même pas douloureux, signe que ce ne sera pas efficace. Bébé bouge toujours mais ne donne pas signe de pouvoir sortir dans les heures à venir. Il me reste encore 2 jours et après, je dois prendre une décision : soit déclencher artificiellement, soit encore attendre, mais ma sage-femme ne me suivra plus, et la maternité n’est pas favorable non plus. Autant dire que s’il se passe qqchose, je serais toute seule, et je me ferai engueuler en prime.

Je ne veux pas penser aux 48h qui restent, et je suis persuadée que bébé sortira avant cette date fatidique du Lundi 31 Octobre.

Et pourtant, arrive la nuit du 30 au 31. Une succession de contractions pendant plus de 3h qui me donnent l’espoir que j’accoucherai encore chez moi. J’échange quelques messages avec ma sage-femme. Elle a aussi bon espoir. Mais, j’éprouve un doute… 3h de contractions. Qui m’empêchent de dormir. Mais qui n’augmentent pas en intensité. Je ne sens pas mon bébé qui descend. Je ne comprends pas. Epuisée, je tombe littéralement de fatigue sur le canapé vers 6h du matin, et me réveille en sursaut à 7h. Et calme plat. Plus de contractions. J’ai rendez-vous dans la matinée à la clinique pour le déclenchement… les vannes à larmes sont ouvertes.

Je tente une dernière chose : un bain. C’est à double tranchant… soit les contractions reprendront de plus belles, soit c’est peine perdu. Dans mon bain, je ressens une contraction assez violente, mais avec une douleur que je ne reconnaissais pas : quelque chose tirait à l’intérieur. Ça m’a fait mal, mais surtout peur. Je suis sortie du bain, et j’ai dit à mon mari que j’étais prête à aller à la maternité. Je ressentais que quelque chose n’allait pas. Ce n’était pas normal.

En prenant mon téléphone, je vois que ma sage-femme m’a appelé et m’a laissé un long message sur mon répondeur, pendant que j’étais dans mon bain. Elle me disait que peut-être que ce bébé VOULAIT naître à l’hôpital. Qu’il y avait peut-être quelque chose qui faisait qu’il DEVAIT y naître. Et c’est le même sentiment que je ressentais.

Nous sommes donc allés à la maternité. Les sage-femmes m’ont demandé quel était mon choix quant à faire ou non le déclenchement. Je leur ai répondu que si mon col avait bougé et s’était ouvert au cours de la nuit avec les contractions, je rentrais chez moi et appelais ma sage-femme ; mais que si, au contraire, ça n’avait pas bougé, je restais ici et j’allais faire le déclenchement. Verdict : je restais à la maternité.

Que raconter ensuite ? Rien de bien extraordinaire. J’ai eu une première injection d’ocytocine de synthèse sans aucun effet pendant plus d’une heure… Elles ont augmenté les doses, en essayant de ne pas y aller trop fort, sachant que je refusais catégoriquement la péridurale. Les contractions ont commencé à se faire sentir. Et bizarrement je me suis sentie soulagée. J’avais le ballon pour soulager un peu. Je m’asseyais dessus et ondulais du bassin. Mais ce n’était pas vraiment confortable, puisque j’avais le monitoring en permanence et la perfusion… J’avais l’impression d’être une marionnette accrochée. C’était bizarre.

Le personnel était vraiment super. Elles ne m’ont jamais parlé de la péridurale et ont toujours été encourageantes. Mais cette naissance était vraiment particulière. J’avais peur. Terriblement peur. Je me revoyais, 10 ans en arrière, à la naissance de mon aîné, sans pouvoir me mouvoir comme je le voulais. Même si les conditions autour était mieux, et que mon mari était avec moi…

Après 6h de contractions qui allaient crescendo, je sentais qu’arriver la fin, et là, la panique fut encore plus intense. La soif m’asséchait la gorge, je demandais à boire à mon mari qui cherchait l’approbation des sage-femmes. Mais ici, j’avais le droit de boire. Pas comme il y a 10 ans. Je savais consciemment que la soif indiquait la fin du travail, que j’allais voir mon bébé dans quelques minutes. Je le savais pour l’avoir vécu 3 fois auparavant. Mais j’étais terrorisée. Ma position n’allait pas. Je m’étais mis en tête que ma position n’allait pas, que je ne pourrais pas accoucher ainsi, que j’allais souffrir le martyr (je rigole maintenant, mais je souffrais déjà le martyr…). J’ai hurlé plusieurs fois de vouloir changer de position. Mais je ne pouvais pas : le coeur de mon bébé ralentissait de manière très significative à chaque fois que je changeais de position. J’étais contrainte d’accoucher semi-assise, pour le seul bien de mon bébé. Mais je ne voulais pas. J’avais peur. Je crois même avoir pleuré. Puis, j’ai eu le déclic… Le déclic de me dire que je n’avais pas le choix. Que j’ai toujours pensé qu’on a toujours le choix… mais que si je n’aide pas mon bébé, MAINTENANT, à sortir, ça pourrait mal finir. Alors, j’ai hurlé à la sage-femme que, puisque je ne peux pas me mettre comme je veux, au moins je veux attraper moi-même mon bébé. Ce qu’elle a approuvé. J’ai arraché littéralement le monitoring, et je me suis penchée en avant pendant la contraction, et j’ai poussé.

Mon bébé est sorti d’un coup, il a vraiment glissé. Je n’ai pas pu l’attraper tellement il est sorti rapidement. La sage-femme a pu l’attraper à temps. Mon bébé avait trois tours de cordon autour du cou et un tour autour de l’épaule. Et là, tout s’est expliqué.

Ce n’est pas qu’il voulait rester au chaud… C’est juste qu’il ne pouvait pas sortir bien qu’il l’aurait souhaité, au vu des contractions tout le long du mois.

Mohammed est donc né le lundi 31 Octobre à l’heure du Maghreb exactement (17h40).

Renaissance pour moi… pas totale réconciliation avec les hôpitaux, mais une preuve évidente de ma part que je sais composer avec les hôpitaux. Ils sont utiles pour les cas difficiles mais restent anxiogènes pour certaines mamans dans des circonstances normales.

Je ne suis pas triste de cette naissance, bizarrement. Je n’ai pas fait de baby-blues. Puis j’ai pu sortir dès le lendemain matin. Mais depuis, j’ai un peu de mal à lire les récits de naissance à la maison (même les miens…), il va me falloir un certains temps, pour m’y faire, je crois.

La suite de la naissance a été la plus terrible dans cette aventure… je n’ai pas le coeur à la raconter. Aujourd’hui, j’ai mon quatrième amour tout contre mon coeur H24 et c’est le plus important pour moi…

En attendant Octobre…

186366241

Ma paresse continue… Voilà des mois sans avoir écrit. Le monde autour de moi me choque, me bouscule, m’interroge, m’énerve, me met en colère. Il m’a fait perdre l’envie d’écrire… Et pourtant, je te jure, j’en ai des choses à dire…

Alors, comme tu l’as sûrement compris, j’attends un quatrième enfant. Il s’est logé dans le creux de moi au mois de Janvier. Ce sera du pur cru de 2016…

Contrairement à mes trois autres grossesses, je me sens complètement zen, presque pas « enceinte ». Enfin… si, les kilos qui s’accumulent, les coups de pieds à l’intérieur de mon bidon qui s’arrondit. Si, si, je me sens enceinte. Mais je ne me focalise pas du tout sur l’accouchement, comme j’ai pu être obsédée par mes accouchements lors des précédentes grossesses. Je ne me projette plus. Je ne sais pas du tout qui sera là, où je serai, ce que je ferai ou comment je le ferai… J’attends que le temps passe, et qu’Octobre « fera craquer les  branches ».

Quoiqu’avec les folies humaines sur l’environnement, il ne viendra sûrement pas dans sa robe blanche… Peut-être qu’il y aura des feuilles partout… Mais, j’ai le sentiment, qu’on n’aura pas besoin d’écharpe pour deux.

Oui, ok, je plagie beaucoup Cabrel, là, pour le coup. Que veux-tu… J’ai toujours aimé cette chanson poétique sur l’Automne.

J’attends Octobre, en enchaînant les absurdités entendues de parts et d’autres…

La dernière en date, au sujet du « sexe » du bébé. Toi, tu le sais certainement, ou pas, mais je n’aime pas savoir avant la naissance… et ça m’énerve également quand on me demande : « Aloooors c’est quoiiiii? » (ce à quoi j’ai répondu à une inconnue, un jour : « A priori, ce n’est pas un poisson rouge. »).

Mais la palme revient donc, encore à une inconnue (une amie d’une amie d’une de mes belle-soeurs… c’est pour dire la relation qui nous unit), qui, après avoir appris que j’avais « déjà » deux garçons et une fille, et que je ne souhaitais pas connaître le sexe de ce bébé :

« Ah, mais toi, tu t’en fiches que ce soit un garçon ou une fille, puisque tu as déjà les deux sexes. »

Juste… dites-moi que ce n’est pas seulement les hormones de grossesse, et que cette phrase est franchement limite… Je ne suis pas rentrée en conflit avec cette gente dame… Mais, intérieurement, j’explosais.

Alors, laisse-moi t’expliquer pourquoi je ne veux pas savoir, par le biais d’une échographie, si c’est un garçon ou une fille…

Cela va peut-être surprendre, mais sache que je ne juge absolument pas les mamans qui demandent à savoir avant. Ce n’est qu’un cheminement que j’ai fait, qui vient du plus profond de moi.

Ce bébé ne m’appartient pas. C’est un prêt, un dépôt, comme mes trois autres enfants. Je l’accepte tel qu’il est destiné à être : fille ou garçon, handicapé ou non. Je prendrai soin de ce bébé quelqu’il soit. Je n’ai absolument aucun pouvoir sur sa destinée.
Savoir avant, me semblerait me l’approprier « avant l’heure ». Je ne peux absolument pas décider si c’est un garçon ou une fille… Alors quelqu’il soit, il sera pleinement accepté dans ma famille, dans mon coeur de maman.

Je ne veux pas, dès à présent, rentrer avec les bras chargés de pyjamas roses ou bleus. Je veux le laisser être celui/celle qu’il/elle va être. Cela ne m’empêchera pas de « girliser » si c’est une nenette, après la naissance… (Oui, je suis devenue ultra-girly… J’aime le rose et Hello Kitty, et j’ai même pas honte.)

Mais pour l’instant, je savoure encore mes « grands » enfants, en me disant que bientôt, bientôt, je vais retomber dans le monde dans lequel j’étais pendant 7 ans non-stop. J’ai eu 3 ans de répit… Un peu moins. Mais c’est pas grave. Le monde des touts-petits, avec tout ce que ça implique… c’est vraiment mon kiffe…

En attendant Octobre…

La vie, comme si inchangée…

tsunamiUne bombe a explosé… C’est juste 3 trois kilos six-cent-soixante-quinze grammes. Les grammes sont toujours importants. Une petite bombe de 3,675 kg, ou parfois même 2kg120, ou même 4kg590… C’est tout riquiqui… mais ça explose.

Ça explose. Ça perturbe. Et plus rien n’est comme avant. Alors, dis-moi, pourquoi, pourquoi voudrais-tu que ce soit comme avant ?

Oui, je te parle de ce bébé qui vient d’arriver dans ta vie. Il a beau avoir tout détruit devant toi, derrière toi… tes idées et tes projets, tes nuits et tes théories, tes amies et tes rêveries… Tu l’aimes d’un amour inconditionnel. Il y a cette force qui t’enveloppe quand tu te plonges dans ses yeux ; cette peur ancrée qui ne veut plus te lâcher à la première idée du moindre mal qui pourrait lui arriver… Il y a cette chose innommable qui te traverse, te transperce, que tu peines à comprendre… Cet amour sensationnel que tu n’as jamais connu… Mais pourtant, tu voudrais que tout soit comme avant.

Tu ne veux qu’une chose, c’est dormir, dormir, dormir. On t’a tellement répété, pendant que tu couvais, que tu ne dormirais plus quand bébé serait là… que tu as la certitude profonde qu’il te manque quelques heures à ton passif de dormeuse. Tu en es tellement convaincue que tu ressens vraiment cette fatigue. Parce que, d’abord, ça ne te viendrait même pas à l’idée que tu ne puisses pas ne pas être fatiguée, à cause de ce bébé qui te réveille toutes les 2h, la nuit.

Parce que c’est vrai, ton bébé te réveille toutes les 2h. Parce que tu lis sur ce poison d’internet, que d’autres mamans ont des bébés « qui font leur nuit à la maternité ». Et tu les crois. Bien sûr qu’on y croit, tant qu’on est enceinte. C’est le même principe que de croire que cette pilule amaigrissante, te fera vraiment maigrir. C’est le même topo. Ça marche peut-être… pour une femme sur 100, et toi, bien évidement… t’es pas dans le lot. C’est comme les jeux de hasard. Au tirage au sort, tu ne gagnes jamais le dernier smartphone à la mode, ou le billet pour un voyage au bout du monde. C’est toujours les autres. C’est qu’on est nombreux sur Terre !

Alors, toi, t’as aussi cru que tu ferais partie de ces mamans qui écriraient sur les réseaux sociaux : « mon bébé fait ses nuits depuis qu’il a deux semaines. » Mais c’est pas le cas. Et quand tu demandes la potion magique pour y arriver… les réponses font frémir.
On te propose, au choix : de le gaver à la poudre industrielle, pour qu’il te fiche la paix (enfin… on ne te l’annonce pas comme ça, hein… on enrobe le tout, de « mais c’est important pour la maman de dormir aussi »), de lui enfourner une tétine-bouche-trou (« mais nan enfin, il a pas faim… il a juste un fort besoin de succion ! »), de le laisser pleurer (« après tout, faut bien qu’il apprenne l’indépendance, aussi… tu vas pas rester toute sa vie à ses côtés pour qu’il dorme. »).

Et toi, comme tu es nouvellement maman, avec ta bombe atomique dans les bras, qui a détruit tes repères spatio-tempo-émotionnels… forcément, tu ne sais plus que faire, qui écouter, comment gérer…

Je ne voudrais te poser qu’une seule question… A toi, la maman qui vient d’accoucher, à toi qui pense que rien n’a changé, à toi qui voudrait que 3kg800 ne provoque pas un tsunami… Pourquoi serait-ce à ce micro-boutchou qui vient d’être catapulté sur Terre, de s’adapter tout de go, sans aucune transition, à nos moeurs les plus farfelus ?

Pourquoi serait-ce une norme de dormir 8 ou 9h d’affilées sans se réveiller ? Qui a édicté cette règle imbécile et au nom de qui, de quoi ? Non, ta vie ne sera plus jamais la même… et c’est certainement à toi de t’adapter à ce rythme nouveau… Donner la vie, et la laisser entrer dans la sienne, ça demande beaucoup de changement.

Oui, cet élan démentiel est pur… alors, garde-le et n’écoute personne qui voudrait te contredire. Aimer jusqu’à plus soif, ce petit être hors du commun… Ce petit miracle créé de deux êtres. Comment voudrais-tu que ta vie soit toujours la même, vivre au même rythme qu’antan. Danser sur les mêmes chansons et sortir jusqu’à pas d’heure… comment serait-ce possible que rien n’ait changé, quand une bombe a explosé, quand un tsunami a tout dévasté…

Formatage

1017_fiche-metier-5-ans-d-etudes-pour-devenir-sage-femmeJ’ai fait la connaissance d’une étudiante. Une étudiante sage-femme. Faire connaissance est un bien grand mot… Disons que nous avons échangé quelques paroles, et que nos points de vue diamétralement opposés sur la conception de la naissance n’a pas permis d’aller beaucoup plus loin…

« Le tout est de se déformater de ce que tu avales sur les bancs de l’école » me disait Carole, ma sage-femme, ma si douce sage-femme qui a vu ma fille dès les premières heures, dans l’obscurité de ma chambre…

Elle, elle était consciente qu’elle devait se déformater… Mais combien restent bloquées, envahies par les peurs que leur refilent les études? Elles tentent un peu de bienveillance, de sourires, mais nos idées moins conventionnelles ne leur plaisent pas. Non, ça n’entre pas dans leur cours, il y a toujours un risque, toujours une tête mal engagée, une procidence du cordon, une mort certaine qui plane au-dessus de la vie à apparaître. Toujours.

Comme des automates. Elles amassent les théories, et sur le plan pratique, on agit comme c’est écrit. Quand on leur pose des questions, elles viennent ressortir ce qu’on leur à donner en prémâcher… Mais la vie, elle ne la connaisse pas. Donner la vie, elles ne savent pas ce que c’est.

Etudiante sage-femme? Assister à un accouchement, avec l’émotion. Moi aussi, j’en rêve. Mais pas dans ces conditions. Sur quoi sont basées leurs études? Sur le ressenti de la maman? Le respect et l’écoute? Ou bien seulement sur les cas cliniques, et comment agir dans les situations urgentes?

Pourquoi ne pas dire la vérité, continuer à cercler les femmes dans cette peur irraisonnée qu’elles ne sont pas capable d’enfanter? Pourquoi continuer à vouloir les périduraliser, les anesthésier pour ne plus qu’elles pensent, qu’elles prennent conscience de leur corps?

Non, la naissance ce n’est pas forcément des catastrophes! Oui, la naissance c’est beaucoup de cris, beaucoup de joie, beaucoup de douleurs, beaucoup de liquide, beaucoup de pertes pieds, beaucoup de tourbillons… Oui la naissance est cet état particulier où la mort côtoie la vie en virevoltant mais la confiance peut prendre le dessus.

Alors, pourquoi la société ne leur apprend pas leur véritable rôle, aux sage-femmes? Pourquoi continuer à formater ces professionnelles du plus beau métier du monde, pour qu’elles formatent à leur tour des milliers de mères qui ne connaissent pas? La peur, toujours la peur, qui tétanise, qu’on ne veut pas dépasser, qu’on cherche à enterrer, à effacer en appuyant sur un bouton. Sans creuser, sans chercher à comprendre. Pour tout, on nous propose des solutions de facilité. On fait pour toi, à ta place. T’as peur, c’est normal, tu vis dans un monde effrayant, dans lequel si tu n’écoutes pas les ordres de « ceux-qui-savent », ta vie va partir en fumée…
As-tu oublié par Qui tu existes?

Un message à toutes les étudiantes qui poursuivent leurs études de sage-femme, ne continuez pas à propager cette peur.  Ne continuez pas à infantiliser des milliers de femmes. Ne faites pas partie de cette génération. Penchez-vous sur la peur profonde sans chercher une solution… Elle est là, la vraie solution.

Ça n’arrive qu’aux autres!

Capture d’écran 2014-09-14 à 15.18.47Les mains sur son ventre rond, les larmes roulent sur ses joues. Elle ne les a pas senti venir. Sacrées hormones. La télé passe le journal de 20h, et elle, elle regarde, une énième histoire d’une mère qui finira derrière les barreaux pour avoir étranglé son bébé. Le choc est puissant, elle est secouée, ébranlée par cette nouvelle. Elle caresse son ventre… « Oh mon bébé, comment est-ce possible? Cette femme est un monstre, elle ne méritait pas d’avoir un enfant! »

La naissance fut assez rude, pour cet enfant pourtant tellement désiré. Fatiguée, épuisée par les heures éprouvantes, elle s’est endormie. Son bébé, souffrant, est en « néonat » comme on dit. Elle dort, les mains sur son ventre. Secouée, encore, par des spasmes de douleur qui la réveillent de temps à autre…

Le retour à la maison, c’est le vide. Le bébé est dans le siège auto, elle l’observe, le regarde, posé au milieu du salon. Elle lui sourit, d’un demi-sourire, les traits tirés. Les cernes bleutées. Et une idée lui traverse la tête : « qu’est-ce qu’on va faire maintenant? » 

Elle le prend dans ses bras, et part se coucher dans son lit. Elle lui propose le sein, et s’endort en respirant son odeur. Mais le sommeil est léger, elle divague à moitié, son inconscient se mêle à son conscient. Elle se dit qu’elle a de la chance, mais qu’en même temps, elle ne sait plus trop où elle en est. Qu’est-ce que c’est que ce petit machin, quoi faire, et comment ça marche…

Le téléphone sonne, il sonne et ne s’arrête plus. Son amie l’appelle, puis sa mère. Sa tante. Puis son oncle. Une autre sonnerie la réveille, et excédée, elle balance son portable contre le mur de sa chambre. Elle est fatiguée, fatiguée de répéter l’histoire de la naissance, épuisée de cette nuit où son petit ne faisait que téter. Là, il dort, oui, oui je vais me reposer, merci, oui… Mais pourquoi les gens sont-ils si intrusifs?

Elle passe devant le miroir de la salle de bain. Le visage défait. Ses pots de crèmes et ses crayons de maquillage trônent sur la tablette sous le miroir. Avant, c’était des stars. Aujourd’hui, elle n’arrive plus à compter depuis combien de jours elle n’y a pas touché. Elle s’observe, remarque les noeuds qui se forment dans ses cheveux, note les tâches de lait caillé sur son vieux jogging troué et commence à réaliser que ça va faire trois mois qu’elle est dans cet état. Pourquoi son homme se met à l’éviter, après avoir eu une longue discussion sur son état général de laisser-aller, qu’elle avait balayé d’un « fiche-moi la paix, je viens d’accoucher, je suis crevée ». Les larmes se remettent à couler… Se laisser aller à cause de la fatigue? Ok, ça peut être une excuse, mais c’est pas bon pour la santé.

… … …

Quelques mois plus tard, elle s’était enfin motivée. Elle avait pris un grand bain, ça lui avait fait du bien. Même s’il avait été moins long que ce qu’elle espérait : le petit voulait téter. Elle s’était parfumée, habillée, maquillée. Son mari, en rentrant, lui avait souri, ils avaient discuté toute la soirée et une partie de la nuit. Vannée mais amoureuse, elle s’était réveillée de bonne humeur pour la première tétée nocturne. Elle se disait que tout irait mieux maintenant.

Tout irait mieux, parce qu’elle se remémorait ce jour où tout a failli basculer. Ce jour où elle a failli passer à la télé. Ce jour où ce serait d’elle qu’on aurait dit « elle ne mérite pas d’enfant ». Ce jour où excédée par les pleurs incompréhensibles de son bébé, elle avait eu l’irrépressible envie de le jeter à terre et de le piétiner. De le voir disparaître. Elle n’en pouvait plus de cet état de dépression dans lequel elle était, et pensait que c’était la faute de son bébé. Ce jour atroce où visualisant ce qu’elle aurait été capable de faire, elle a hésité à sauter par la fenêtre. Ce jour où comprenant que son état n’était pas normal, même si malheureusement banal, elle devait demander de l’aide…

Non, en fait, ça n’arrive pas qu’aux autres.

Accoucher avec ou sans péri : un vrai choix?

20140227-085711.jpg

L’émission des Maternelles d’hier portait sur l’accouchement sans péri. Invité de marque, Mister Willy Belhassen, sage-femme réputé dans le milieu des accouchements « au naturel ».

Et présentatrices nunuches, on ne change pas une équipe qui gagne… Laisse-moi simplement extraire Nathalie LeBreton de cette bande, car elle fait l’exception. Comme toujours. Heureusement qu’elle est là pour relever un peu le niveau et aborder intelligemment les problématiques dont il est question (oui, je suis très critique envers les Maternelles, pardonne-moi… Et pourtant leurs émissions sont en général, très bien!)

Donc hier, Vignali et sa bande ont décidé de présenter des « warriors » de l’accouchement : celles qui ont décidé, envers et contre tous, d’accoucher « naturellement ».
Et on voit dans le reportage, une maman qui choisit d’accoucher sans péri : mais par pitié que l’on appelle pas ça accoucher naturellement. J’ai vécu la même chose avec mon premier et pour rien au monde, je ne voudrais le revivre!
Attachée aux perfs et au monito, sur le dos, couchée, les pieds dans les étriers… Plus confortable, tu fais pas… Surtout qu’il y a eu : ocyto, rupture artificielle de la poche des eaux… Bref, je suis passée par là, tout pareil et je peux te le dire, les douleurs sont démultipliées par la position et l’immobilisation. Chapeau à elle. Moi, j’étais obligée d’y passer, parce que pas de péri dans cet hôpital (à l’étranger) et puis surtout la phobie du geste médical qui foire et qui te paralyse à jamais, toi et/ou ton gamin…

Alors, hier, aux yeux d’une frange de la population, nous étions des warriors. Je déteste ce qualificatif, j’en ai fait quelques articles, d’ailleurs…
D’où tu me vois une warrior, toi? Dans ces moments où je me liquéfie sur place, tétanisée par la douleur? J’ai pas une tête de Xéna-La-Guerrière, mais plutôt d’une serpillère mal essorée, dégoulinante. Voilà, comment je te donne le goût d’accoucher sans péri… Sauf qu’au moment de la naissance, la dernière chose à laquelle tu es censée penser, c’est ton brushing du matin ou ta manucure, alors tu t’en fiches un peu…
Non, ce n’est pas être une warrior, il n’y a rien d’admirable, ce n’est pas sensationnel… Arrêtez, par pitié, arrêtez… Arrêtez de nous dire courageuse, arrêtez de nous porter comme des héroïnes. Personnellement, ça m’énerve parce que ça donne l’impression d’avoir fait quelques choses pour les autres, pour se démarquer, ou pour se faire mousser… Alors qu’en fait, on l’a fait, parce qu’on le sentait ainsi ou parce qu’au fond on a des convictions profondes, des idées, des peurs, des terreurs…

Des mamans viennent me demander : « mais comment gérer les douleurs? »
Gérer, toujours tout gérer… Toujours tout contrôler. N’est-ce pas en tentant de gérer les contractions, que tout se bloque? Tu veux la prendre à contre-courant? Tu veux trouver une méthode pour qu’elle soit moins douloureuse? Je ne sais pas si d’autres femmes ont trouvé, mais pour ma part, en 3 naissances sans péridurale, au moment où la contraction te fait décoller à 100 000 kms au-dessus de ton corps, je ne gérais rien du tout.
À la limite, je me projetais : « quand ça sera fini, j’aurai mon bébé. » Mais ça ne réduisait pas la douleur, ça me faisait juste patienter…

Hier, M.Belhassen a dit un truc très juste. Il disait que sans la péri, la femme pouvait ressentir de l’intérieur à quel stade de l’accouchement elle était, et si elle voulait l’accélérer ou le ralentir, en prenant des positions instinctives. Je crois que tout ça se passe dans l’inconscient… Et dans la solitude. À partir du moment, où une personne intervient pour dire à la mère ce qu’elle doit faire… Cela casse un peu cette symbiose avec le processus naturel, qui se met en marche.

J’ai eu ce besoin d’être seule, pendant mes accouchements. En tout cas, qu’on ne me pose pas de question et encore moins qu’on me donne des ordres…
Pour mon premier, ça a été une calamité.
Pour les suivants, j’ai ressenti une telle confiance en mes capacités de la part de mon mari, qui était présent, enveloppant, bienvaillant, mais surtout silencieux… Que le travail s’est déroulé à la vitesse de l’éclair. Je pouvais prendre les positions que je voulais : j’étais libre.
J’étais en sécurité entière : dans une bulle. Et dans ma conscience, je sentais que si personne n’intervenait je pourrais donner la vie, sans me prendre la tête.

Mais laissez-moi. Laissez-moi crier, laissez-moi pleurer, laissez-moi gémir, ne cherchez pas une solution là où il n’y en a pas…
Ne me faite pas croire qu’un accouchement se gère. Ou alors je suis nulle en gestion.
Ne me parlez pas d’intellectualiser une chose aussi peu réfléchie.
Je n’ai pas accoucher sans péri pour prouver que je ne suis pas douillette, ou pour qu’on dise de moi que je suis une warrior, c’est faux. Je préfère avoir des douleurs pendant quelques heures, plutôt que des migraines à répétition et des douleurs lombaires pendant des années…
Mais c’est même pas à cause de ça que je ne veux pas de la péri…
J’en veux pas parce que mon instinct le refuse. Et ça, c’est ancré au fond de moi…

Ce n’est pas du courage que de vouloir accoucher sans péri (je parle là de volonté avant l’accouchement!), mais c’est, pour moi, écouter son instinct maternel, inconscient…

Ce qui se passe ensuite, les choses qui se mettent en place, la pression et le nombre de personne autour, les conditions de la naissance (bébé mal positionné, travail trop long, etc…) font de la péri son rôle vraiment utile dans une naissance.
Mais pour moi, c’est un médicament, à consommer avec grande modération et la « peur » ne devrait pas faire partie des symptômes à soigner avec…
La peur résulte du manque de soutien et de confiance en soi. On n’occulte pas la peur en anesthésiant, en la faisant dormir quelques heures… Elle reviendra , toujours plus forte, plus grande… Cercle vicieux, sans fin…

Réparer une injustice

186366241Un acte banalisé, un « c’est pas grave », un « tant que le bébé va bien »… et la maman, alors? Que penser de cet handicap les premiers temps, où tu renies jusqu’à ta propre pudeur, obligée de te faire laver par une infirmière, alors que tu n’as pas 30 ans? Et cette douleur qui s’étend sur des jours? Et cette cicatrice, comme une plaie béante qui marque une injustice…

Scandalisée, quand tu entends des femmes, pas encore mères dire : « je préfèrerai avoir une césa », parce que la peur de l’accouchement, la peur au ventre…

Mais quand tu as en a eu une, tu ne penses pas une chose pareille… Une douleur lente et invasive, qui dure sur des jours, des semaines… T’empêchant de porter ton enfant comme tu le souhaites, te faisant souffrir quand tu t’assoies.

Je ne suis pas en train de te dire que toutes les césariennes sont des abus. Certaines, beaucoup, la plupart (j’ose espérer) sonnent comme des victoires, et tant mieux. Reste la façon dont c’est abordé, et c’est peut-être là, l’inacceptable…

Elle a eu une première césarienne, dans un pays où le bistouri est facile. Là-bas, une césarienne rapporte un revenu non-négligeable… Là-bas, on n’hésite pas à faire tourner les choses pour que la césarienne devienne la seule issue possible avec le fameux « c’est pour votre bien, ma brave dame. » (Et encore, ça, c’est dit gentiment…). Sauf que, une première césarienne, ça veut dire que tes choix sont limités par la suite… Là-bas, c’est sûr, tu repasses sur le billard direct… On ne tentera rien pour toi, tu peux être sûre. Alors, elle est venue ici. Parce qu’elle savait qu’ici, elle pourrait peut-être trouvé une équipe attentive, une oreille bienveillante qui entendrait son souhait de connaître les douleurs des contractions, les cris, le dos rond, la perte de contrôle, l’arrivée d’un bébé…

Mais voilà, même si l’équipe avait entendu son souhait, on ne force pas les choses… Un bébé en siège, une tête trop relevée, pas de version sur un utérus cicatriciel… trop vite, trop tard… Tenter la voie basse serait vraiment des risques. Là, ce n’est pas « pour son bien », mais juste pour la vie de son bébé. Sauf que… Sauf que si elle n’avait pas eu une première opération, l’attente aurait pu se faire, la version, l’acupuncture aussi… d’autres choses auraient pu être tentées. Avec les « si »… je sais, je connais la chanson. Personne ici ne regrette, tout le monde prend les choses comme elles viennent, pas de colère, juste une constatation.

Et pourtant, cette seconde césarienne a bousculé toutes mes idées. J’imaginais qu’un accouchement médicalisé manquerait d’émotions et de ressentis… J’ai tout voulu faire pour que cette naissance soit magique. Les larmes en prime. Tu ne peux pas assister au premier cri d’un bébé sans avoir les yeux qui piquent. Je l’ai vu sortir du ventre, littéralement. Je l’ai entendu crier. Je l’ai vu ouvrir un oeil. On l’a donné à sa mère, directement. Elle a pû l’embrasser, chose qui était impensable pour son premier. Une émotion comme rarement. Je ne m’en suis pas encore remise. L’odeur…

L’odeur qui m’entoure. Qui s’est ancré en moi, en faisant du peau-à-peau avec ce bébé qui attendait sa maman, car il était évidement impossible qu’il soit mis en couveuse… J’étais là, à bonne température. Toute petite crevette qui a posé ses mains contre moi, et qui sentait le bébé… Et une maman qui est revenue vers nous, avec un sourire fatigué, mais un sourire. Une fierté.

Ai-je réussi mon pari? Je n’en sais rien. Encore pleins de culpabilité pèse sur moi… Ce n’est pas ma faute, mais quand même… Un papa qui n’a pas pu être présent, une césarienne au final… Tout ça, pour ça…

Mais, c’est quoi « ça »?

Des gens formidables, des sage-femmes qui t’écoutent, qui t’expliquent, qui prennent le temps… Je n’en ai pas vu en Tunisie. Ici, elles ont tout fait pour respecter nos valeurs religieuses, pour nous expliquer, pour chercher à ce que cette naissance, soit une vraie naissance.

Bien sûr, l’hôpital a ses protocoles qui me font froids dans le dos, et qui font que je ne veux pas accoucher là-bas. L’idée de l’accueil du bébé, avec de la pesée sous les cris, des soins, des trucs… C’est tellement, inhumain pour moi.

Je voyais cette petite crevette, gesticulant sur la table, nue, tripatouillée dans tous les sens… et je n’ai pas pu m’empêcher de penser à ma fille : à peine sortie de mon ventre, elle tétait déjà mon sein, le cordon toujours relié au placenta que je n’avais pas encore expulsé. Rien ne s’était interposé… Rien, ni personne : ni lumière vive, ni mains étrangères, ni objets froids… et encore moins, liquides médicamenteux avant mon propre lait…

Je vis dans un monde à part… D’autres idées, d’autres priorités…

Ai-je réussi pour elles? Je le souhaite. Devant Dieu, mes intentions étaient sincères. J’ai changé d’idées sur l’accompagnement hospitalier… mais pas sur les protocoles…

Quel avenir pour nos enfants, si on commence la vie de cette façon?

1896876_469692123153040_563316226_n

Infantilisées

Une drôle de scène s’est produite lors de ma dernière réunion pour La Leche League. Il faut savoir que nous animons nos réunions dans une Polyclinique qui travaille d’arrache-pied à obtenir le label « IHAB » (Initiative Hôpital Ami des Bébés). En gros, ce label montrerait que l’établissement de maternité est à l’écoute des mamans et des bébés, les équipes formées à l’allaitement, ouvert à l’accouchement naturel, etc, etc… C’est toujours une histoire de label, comme le bio, comme le hallal, et tout le reste… Pour obtenir un label, il faut remplir des critères, c’est normal. C’est donc dans cet objectif que nous sommes invitées, une fois par mois, à présenter notre réunion là-bas, dans une superbe salle. La contre-partie (cependant intéressante), c’est que plusieurs sage-femme ou auxiliaires de puériculture viennent aux réunions.

Jusque là, elles sont toujours restées à l’écoute, et ne sont pas intervenues pour étaler leurs idées personnelles (j’avoue que j’appréhendais assez cet aspect). Mais il y a un autre problème à gérer et qui n’est pas des moindres : l’attitude des autres mamans à l’égard de ces professionnelles de santé.

Le public des réunions LLL se divise en deux groupes : les nouvelles, bien souvent des futures mamans à la recherche d’infos pour l’allaitement de leur futur bébé, ou de jeunes mamans avec de tout-petits bébés. Ces mamans sont généralement très discrètes. Et puis, tu as les mamans qui sont à l’aise depuis longtemps dans le groupe, et qui disent haut et fort ce qu’elles pratiquent : accouchement à domicile, tétées pendant des années et des années, aucune médication autre que des graines germées (note bien que je n’ai absolument rien contre tout ça, bien sûr!!!)… et surtout, surtout, une certaine animosité contre les professionnels de santé.

Alors, j’ai souvent peur que ça dérape. Oui, parce que dans le lot, on a toujours une maman qui lance un : « j’ai pas été du tout soutenue quand j’ai accouché de ma fille, les SF n’étaient pas présentes ou si peu, et aucune aide pour la mise au sein, on m’a donné des bouts de sein et c’est tout. » Je suis toujours dans l’obligation « d’excuser » les SF, sans oublier l’empathie de la mère qui a mal vécu cet épisode… « Oui, effectivement, c’est très difficile d’être seule à ces moments-là surtout quand c’est le premier… Beaucoup de mamans accouchent en même temps, et les SF sont souvent débordées. Ce n’est pas de la mauvaise volonté, blablabla… » Pas facile. Encore moins facile quand une SF est dans la salle, et qu’elle a l’air de prendre pour elle cette remarque.

Hier, j’ai eu droit à une mère qui se plaignait de mauvais conseils sur l’allaitement, reçus à l’hôpital… Ai-je gaffé en disant (ce que je dis toujours) : « dans la formation universitaire des médecins -et autre- l’allaitement n’est pas abordé très longuement, c’est pour cette raison qu’on travaille main dans la main avec eux… »

La sage-femme m’a quand même « attrapé » à la fin de la réunion en me disant qu’elle avait été touchée par ce que j’avais dit au sujet de leur formation sur l’allaitement… Aïe… Je ne sais pas comment j’aurai pû tourner ma phrase autrement pour ne blesser personne, mais au bout d’un moment, il y a des vérités qui doivent être dites. Alors, j’ai tenté d’expliquer pourquoi j’avais dit ça. Et voilà qu’elle me rétorque : « Oui, c’est vrai! MAIS d’un autre côté, les mamans ont NEUF mois pour apprendre à être mère, et NEUF mois pour se renseigner… Au bout d’un moment, faut arrêter d’être toujours dans l’attente de l’approbation, et demander tout, pour toute chose!!! » Je lui ai répondu : « Vous trouvez que les mères sont trop infantilisées? » ; « OUI!! Elles ne font aucun effort, aucune réflexion, et après on rejette la faute sur nous!!! C’est pas juste. » J’ai senti une telle tristesse dans ces paroles, un peu de rage aussi.

Oui, elle a raison sur le fait que les femmes soient trop infantilisées… A qui la faute? Là, n’est peut-être pas la question… Je ne jette pas la pierre aux mères, mais à la société, AUX sociétés, qui ont instauré ce pouvoir sur la mère… Depuis qu’elle a appris sa grossesse, la femme est soumise à des diktats et des prescriptions plus ou moins farfelus… De « ne t’assois pas en tailleur, ton bébé aura le cordon autour du cou » (merci cousine-bidule) aux « alitement jusqu’au neuvième mois pour cause d’accouchement prématuré » (et un bébé qu’on déclenchera une semaine après terme, parce qu’il n’avait pas du tout l’intention de sortir avant) ; en passant par la liste des aliments STRICTEMENT défendus pour cause de maladies toutes plus horribles les unes que les autres. Je te passe les piquouzes que tu fais tout les mois pour remplir un peu les poches du labo à côté de chez toi ; les touchers vaginaux, même si ton gynéco ne t’a jamais vraiment expliqué que c’est pas très utile, à part provoquer quelques douleurs, et possiblement un accouchement prématuré (là, pour le coup…) ; les ordonnances longues comme les deux bras, parce que c’est connu : être enceinte est une maladie incurable sur 9 mois. Puis après c’est pas fini… Toute ta grossesse, tu as été soumise à ton gynéco (que tu adules, parce qu’une fois par trimestre, il te montre ton haricot sauteur), qui te disait comment te comporter (« ne mangez pas de ci, pas de ça ; n’ayez pas des rapports sexuels trop violents ; ne portez pas des charges trop lourdes ; etc, etc… »)… Apparemment, les femmes n’ont pas le cerveau assez complet pour s’en douter toutes seules…

Au moment de la naissance, c’est encore pire. On ne te dit pas comment tu devrais accoucher… On te l’impose. Dans une position aussi inconfortable qu’humiliante… Et on t’ordonne de pousser, de souffler, de respirer, de reprendre ton souffle, etc… ça aussi, notre cerveau n’a, a priori, pas été conçu pour fonctionner normalement, hein… Alors OUI, les femmes sont infantilisées… Encore et toujours, parce qu’on leur a fait disparaître cette spontanéité qu’elles avaient.

En écoutant son corps et ses envies, et sa jugeote, on peut réguler soi-même notre état de grossesse et notre accouchement. Mais, nous ne croyons plus en nous, parce qu’EUX n’ont jamais cru en notre capacité de gérer cet état (qu’ils ne comprendront jamais…). Quoi de plus normal pour une maman qui vient de passer par tant d’épreuve et de preuves de son ignorance et de sa non-capacité ; que de vouloir un peu de soutien pour mettre son bébé au sein? Un peu d’écoute?

J’avais envie de secouer cette sage-femme et de lui dire : « OUI, elles posent peut-être des questions bêtes! OUI, elles ne sont pas forcément toutes bien renseignées… OUI, vous avez raison!! Mais puisque nous en sommes consciente, qu’attendons-nous pour leur dire : vous seule êtes responsable de ce petit être, vous seule êtes capable de vous en occuper!! » Rien ne sert de juger les mères infantilisées ou les sage-femme débordées…

Les mères continueront d’être infantilisées en sortant de l’hôpital, avec un pointage régulier chez les pédiatres qui donneront leur jugement sans discussion (« prochain vaccin la semaine prochaine » ; « votre lait n’est pas assez riche, voici du lait artificiel », etc, etc…)… Il va falloir beaucoup, beaucoup de temps aux femmes pour secouer le joug, et se sentir capable de faire des choses d’elles-même par elle-même… Et jamais le soutien, l’écoute ne sera de trop… Mais le jugement et les ordres, on n’en veut plus…

Laissez-nous grandir.

Accouchements, torture et déferlement sur la toile

Il y a peu de temps, un article est apparu sur le blog du Monde. Et cela a fait beaucoup, beaucoup de bruit. Le fameux article de « Marie« . Si tu n’as pas la force de le lire, je t’en tire deux mots : elle compare l’accouchement en milieu hospitalier avec des séances de tortures en milieu pénitencier… Autant dire, que ça a suffit pour faire réagir la populasse. HEIN, QUOI, COMMENT??? ON POUSSE LE BOUCHON, LA…

Et d’un autre côté, les acharnées du « tout-naturel » : « ouais, tous aux bûchers les médecins »…

Il y a d’abord, le ressenti de cette femme, qui assimile un accouchement à une succession de violences, de viols et de gestes malsains. Il y a au plus profond d’elle, ce dégoût, cette haine, cette souillure. Comment lui jeter la pierre, en pensant qu’on pousse la comparaison trop loin, quand on a eu le même ressenti? Comment expliquer autrement les faits actuels?

La différence, peut-être réside dans la tête des « tortionnaires » : les médecins le font par conviction de leur boulot (c’est comme ça qu’on fait, et point.), les bourreaux ont des idées bien plus vicieuses, bien sûr.

Maintenant, laisse-moi t’expliquer à quel point le personnel médical peut être malfaisants. Retour en arrière… A l’heure où tu n’avais pas d’argent, et tu étais obligée d’accoucher dans l’hôpital public de ton pays du Maghreb (et d’ailleurs…). « Obligée » reste relatif, quand tu es enceinte de ton premier et que tu ne connais rien à l’accouchement à domicile, comme 90% des primipares, et je dirais même 99% des primipares tunisiennes (ou autre, encore une fois).

Que raconter? Je n’ai pas été victime, mais témoin : de femmes se faisant gifler par les sage-femmes parce qu’elles criaient trop fort. Des femmes dont on se moquait, en riant grassement parce qu’elles perdaient les eaux sur elles (je vous laisse imaginer les boutades). Des femmes, prises comme cobaye (sans leurs avis, il va sans dire) devant une classe d’étudiantes SF, à qui on interdit de pousser (alors que la tête du bébé était en train de sortir) pour pouvoir faire son cour tranquillement. Et je ne te parle pas des mots que j’ai entendu, des insultes, des « y a 9 mois tu criais pas comme ça, hein, ça t’apprendra. »

Je ne suis pas en train de te dire : « te plains pas, ici, c’est de la rigolade, la vraie torture elle est là-bas. » Non, du tout. Tu me connais, je défends le droit des femmes à vivre dignement selon LEURS envies. Qu’elles veulent accoucher dans un hôpital, ou dans leur baignoire, là n’est pas la question. Nous avons TOUTES droit d’être considérée, peu importe les moments de nos vies.

Tu sais aussi à quel point la naissance est pour moi, importante. Ce sont les premières secondes, les premières bouffées d’oxygène qui ne seront plus jamais les mêmes : un nouvel être est arrivé sur Terre, Sobhan’Allah. Un être HUMAIN. Si fragile, si petit, mais qui a ce potentiel humain en lui. Et les droits de l’homme s’applique dès la première seconde. Une mère qui a été torturée, pour reprendre les termes de Marie que je trouve si juste, pendant son accouchement n’est pas des plus sereines pour récupérer son bébé et démarrer une nouvelle étape dans sa vie. Or, son bébé, lui a juste besoin d’une maman qui ne soit pas cassée. D’une maman qu’on n’a pas humilié. D’une maman qui a besoin d’être reconnue.

Je me pose les mêmes questions que Marie : pourquoi ne pas considérer les recommandations de l’OMS? Pourquoi continuer à faire accoucher les femmes sur le dos, les quatre fers en l’air en leur trifouillant leur intimité, avec plus ou moins de compassion ? Pourquoi rien ne change… ou si lentement?

Et là, pareil, je ne mets pas tout le monde dans le même panier. Non, parce que j’en connais des sage-femmes en milieu hospitalier qui ne veulent pas faire partie de ces tortionnaires et qui tentent, comme elles peuvent, d’être à l’écoute des mères (en élargissant le plus possible l’élastique -étroit- des protocoles hospitaliers). J’en ai entendu et lu des témoignages de naissances respectées et respectueuses au sein de maternité. HEUREUSEMENT.

Je me dis que tout n’est pas perdu, que c’est un début, que l’on commence doucement à considérer la mère et le nouveau-né.

Mais le combat est si immense. Au-delà des frontières, dans des pays où la vie ne vaut rien et la considération de l’autre encore moins… Ça fait froid dans le dos. Et ça fait trembler quand tu sais que ça se produit dans des pays qui sont par ailleurs réputés pour être « accueillants », « chaleureux ». Double face.

Pour une française, j’ai été « bien » traitée en comparaison aux autochtones qui ont accouché en même temps que moi. Quand je dis « bien » traitée, c’est-à-dire que je n’ai été (presque) pas insultée (sauf par la femme de ménage), que je n’ai pas été frappée. Même si on m’a mutilé, même si on m’a empêché de boire alors que j’étais asséchée et que l’équipe buvait devant moi, même si on m’a fait comprendre que j’étais incapable de m’occuper de mon fils, même si on m’a attaché sur un lit, même si on m’a laissé seule pendant des heures avec interdiction de faire entrer quiconque de familier dans la pièce… J’ai été mille fois mieux traitée que ma voisine de salle de torture d’accouchement.

Et là, je ne te parle même pas de suites de couche… Parce que c’est un cauchemars. Le seul truc positif des accouchements là-bas, c’est qu’en 24h, tu rentres chez toi. Tu oublies que tu n’es pas suivie pour les suites de couche, et que des mères qui meurent d’hémorragies, il y en a… et beaucoup. Mais ça… hein…

Le choix, c’est bien aussi…

DSCF9882

Avoir le choix, c’est important. Ce n’est pas choisir entre l’un ou l’autre… Mais c’est pouvoir décider entre plusieurs chemins qui s’offrent à nous, celui qui nous correspond le mieux.

Les choix du lieu d’accouchement se restreignent…

Ne laissons pas faire.

La voix du peuple, c’est nous, et nous avons les moyens d’agir… C’est maintenant.

DSCF9868